Nous mentirait-on?

Nous mentirait-on?

Contre l'Acta, pour la démocratie européenne!

Par Jacques Attali, publié le 13/02/2012 à 18:14

 

 

En avalisant l'Acta, le très contraignant accord commercial contre la contrefaçon, le Parlement européen porterait un rude coup à la démocratie. Il faut s'y opposer!

Pendant que les hommes politiques européens se disputent un pouvoir de plus en plus évanescent, face à des marchés de plus en plus puissants, la seule institution de l'Union capable d'influer encore sur le réel, la Banque centrale, n'est sous le contrôle d'aucune institution démocratique, faute de gouvernement fédéral de l'eurozone. Plus généralement, à l'échelle du monde, les marchés mettent peu à peu en place, sous leur seul contrôle, les institutions nécessaires au respect du seul droit qui les intéresse: le droit de propriété.

Que le parlement européen bloque l'Acta, cet accord commercial antidémocratique!

Ainsi surgissent, dans le monde financier et commercial, de très nombreuses instances de contrôle, qui se font d'abord adouber par des Parlements nationaux avant de prendre leur autonomie, parce qu'elles sont transnationales, et ne considèrent plus les instances étatiques que comme des instruments à leur service.

C'est notamment le cas de l'Acta (Anti-Counterfeiting Trade Agreement), accord commercial en négociation très confidentielle, depuis octobre 2007, entre quelques gouvernements de pays développés, dont celui de la France. Refusée par les Chinois, les Brésiliens et les Indiens, son application en Europe ne peut plus être arrêtée que par un vote du Parlement européen, que devront confirmer les parlements nationaux. Sous prétexte d'organiser à l'échelle mondiale la lutte contre la contrefaçon, de protéger les ayants-droit et les marques, l'Acta accélère en fait la mise en place d'une surveillance généralisée des consommateurs et des citoyens, transformant les Etats en auxiliaires de police au service des grandes entreprises.

Notamment en généralisant au monde entier les principes des lois américaines Sopa et Pipa, et en allant bien au-delà d'Hadopi, l'Acta considère tout échange sur Internet comme une menace aussi grave qu'une contrefaçon. Il oblige les Etats signataires à imposer des sanctions pénales aux fournisseurs d'accès et de technologie qui refuseraient de surveiller et de censurer les communications en ligne; son article 27 autorise même à prendre des "mesures rapides pour prévenir des infractions futures", sans passer par le juge, et il confie à des acteurs privés le soin d'exercer des missions de police (surveillance et collection de preuves) et de justice (sanctions); ce même article, qui traite des "moyens de distribution massive de contrefaçon", permettrait même d'interdire les plates-formes de blogs, les réseaux P2P et les logiciels libres. Enfin, plus incroyable encore, l'article 23 autoriserait un pays signataire à sanctionner pénalement des activités gratuites, parce qu'elles ne devraient être exercées, selon l'Acta, qu'"à une échelle commerciale": on pourrait ainsi exiger de faire payer l'envoi d'e-mails ou le partage de fichiers entre particuliers.

Tout le reste de l'accord est à l'avenant. Il pourrait, en particulier, conduire à considérer les médicaments génériques comme des contrefaçons, ce qui reviendrait à en interdire l'usage. Enfin, et c'est peut-être le pire: une fois ratifié par les Parlements, cet accord échappera à tout contrôle démocratique. Son article 36 crée, en effet, un obscur "Comité Acta", qui, selon l'article 42, aurait comme mission d'imposer son respect aux pays non signataires et serait même autorisé à modifier le contenu du texte, sans contrôle des Parlements nationaux!

Il faut donc absolument s'opposer à la signature de l'Acta, pour que l'urgente mise en ½uvre d'une règle de droit mondiale ne signe pas l'arrêt de mort de la démocratie, mais en organise au contraire l'épanouissement à l'échelle de la planète



22/04/2012

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