Nous mentirait-on?

Nous mentirait-on?

expérimentation sur humains

Expérimentation humaine sans consentement
La Commission Européenne propose l’expérimentation humaine sans consentement !
jeudi 2 février 2012
par Amessi

Une pétition publiée début novembre dernier par le Comité pour la Médecine préventive
 et le soin des patients, appelle les citoyens à stopper les propositions de la Commission
 Européenne destinées à permettre, dans des situations d’urgences, l’expérimentation
 humaine sans consentement.

La Commission Européenne propose l’expérimentation humaine sans consentement !
La Commission Européenne a en effet, selon ce texte comme projet, de modifier la Directive 
2001/20/EC sur les bonnes pratiques cliniques et donc d’abolir le droit des patients de 
décider des produits qu’on peut leur administrer en cas d’urgence (par exemple en cas 
d’attaques ou d’autres accidents graves).

Il s’agit donc d’une pétition fondamentalement logique et dont les signatures seront
 envoyées au Parlement européen, au premier semestre 2012, lorsque ces 
propositions seront débattues.
Mais prenons surtout bien conscience qu’une telle proposition pourrait tout 
à fait être élargie à la vaccination au cours d’un "état d’urgence décrété", ce 
qui est tout à fait cohérent avec les récentes informations de l’AFP selon lesquelles 
le Commissaire européen à la Santé John Dalli a récemment formulé des 
propositions suite à la crise du H1N1 dont celle de "permettre à la Commission 
Européenne de déclarer une situation d’urgence sanitaire au niveau européen."

De là, on voit qu’une étape de plus est en passe d’être franchie puisqu’après 
les propos-chocs de Madame Testori (DG Santé & Consommateurs, CE.) du 5 
octobre 2010 qui appelait à une vaccination humaine à la façon d’un troupeau
 de bétail, on voit qu’on est ici ni plus ni moins en train de préparer le terrain pour 
le recours forcé à des produits expérimentaux dont les vaccins pandémiques 
font bien sûr partie comme en témoigne d’ailleurs le contenu des contrats que
 les fabricants ont conclu avec les États.

Cette situation doit vraiment nous amener à mieux "aiguiser" notre vigilance sans 
qu’il soit question de paranoïaque car même si c’est toujours au prétexte d’une 
"plus grande sécurité du consommateur", il est essentiel de percevoir sur 
un plan pratique que c’est ainsi, par paliers progressifs, que les droits 
fondamentaux s’érodent et s’étiolent et que, in fine, l’étau se ressert sans qu’on
 ait forcément la garantie que, le moment venu, on ait encore la possibilité d’échapper 
à des traitements ou à des produits produits indésirables.

pétition: http://www.gopetition.com/petitions/forsoeg-uden-samtykke/sign.html
 
 
Expérimentation humaine et essais cliniques contrôlés
Pour une évaluation rigoureuse du progrès thérapeutique

" L'expérimentation de nouveaux médicaments chez l'homme est 
moralement nécessaire et nécessairement immorale."
Jean Bernard


Est-il moral de se servir de l’être humain comme support d’une recherche? 
Ou plutôt, une telle recherche, destinée à développer de nouveaux ou de 
meilleurs traitements des maladies qui affligent l’humanité, n’est-elle pas un impératif moral ?
Nous ne débattrons pas ici de ce paradoxe, nous contentant de rappeler que les essais 
cliniques sont irremplaçables pour établir la valeur réelle d’un traitement.

Qu’est-ce qu’un essai clinique ?
L’essai clinique vise à évaluer l’efficacité et la sécurité d’un traitement médical. 
Très réglementé, il doit respecter des directives strictes, que l’on appelle
 « bonnes pratiques », et suivre une procédure bien définie, appelée protocole.
 Avant qu’un essai puisse démarrer, son protocole doit être approuvé par une 
commission d’éthique et notifié aux autorités sanitaires ( Swissmedic, ancien
 Office intercantonal de contrôle des médicaments ).
La recherche doit donc être évaluée de manière indépendante, par des médecins
 et des non-médecins, en ce qui concerne ses avantages, ses risques potentiels et
 l’assurance que les participants sont bien informés et que leurs droits ainsi que
 leur bien-être sont protégés.

Pourquoi les essais cliniques sont-ils nécessaires ?
Il est très rare qu’une maladie soit caractérisée au point qu’on 
connaisse parfaitement son évolution naturelle et qu’on puisse prédire,
 à partir de quelques variables cliniques, le devenir d’un patient ou d’un groupe
 de patients (chances de guérison, risques de complications...).
Compte tenu de ces incertitudes, ainsi que de la grande variabilité habituelle dans
 les mesures biologiques, il est souvent impossible, sur la base de quelques observations 
cliniques isolées, de dire si un nouveau traitement a réellement modifié quelque chose.

Qu’est-ce qu’un essai clinique «contrôlé» ?
L’expression «essai clinique contrôlé» implique l’existence d’un groupe témoin. 
Les avantages potentiels du traitement testé doivent être appréciés par comparaison
 avec l’absence de traitement ou, le plus souvent, avec un autre traitement déjà disponible.
 Cette évaluation parallèle doit s’effectuer chez des sujets comparables, 
bien entendu, et dans des circonstances équivalentes. 
L’essai clinique contrôlé vise donc à caractériser l’effet d’un facteur donné
 ( le traitement ) sur un objectif (mesure de l’effet). Or, de nombreux facteurs
 peuvent influencer cet objectif (caractéristiques de la maladie traitée, pathologies
 associées et traitements correspondants, caractéristiques individuelles, facteurs 
externes...). 
On doit donc «contrôler» ces autres facteurs, soit pour qu’ils n’interviennent
 pas ( critères d’exclusion de l’essai ), soit pour qu’ils interviennent plus ou
 moins uniformément sur les patients qui reçoivent le traitement étudié et
 sur le groupe témoin. Beaucoup de facteurs affectant le résultat d’un 
traitement étant inconnus, seule la neutralisation de ces différentes
 influences permet de comparer véritablement les traitements en jeu.

Pourquoi raisonner sur des groupes ?
On parle de groupes. Oublierait-on que chaque individu est une personne unique,
 que les effets d’un médicament ne sont jamais exactement les mêmes chez tous 
les patients, que les résultats peuvent varier en fonction de facteurs multiples ?
 C’est en raison même du caractère individuel des malades qu’il importe de 
juger un traitement en termes de résultats probables, ce qui impose un 
raisonnement statistique sur des groupes. 
Il est nécessaire en effet de savoir ce que peut apporter en moyenne 
un traitement, afin de choisir celui qui a le plus de chances d’être efficace. 
Le tâtonnement thérapeutique s’en trouve réduit d’autant.

Quel contrôle ?
L’intérêt d’un traitement ne peut s’évaluer dans l’absolu : 
il faut comparer. Le choix du terme de comparaison est donc d’une importance capitale. 
Comparer les résultats d’un nouveau traitement avec ceux obtenus 
chez les patients traités précédemment (contrôles historiques)
 pourrait paraître logique.
 Pourtant, une telle approche comporte des risques majeurs de distorsion:
 le recrutement a pu varier (différence de pronostic); les critères diagnostiques 
ont pu changer; l’équipe soignante a pu gagner en expérience dans le 
dépistage; la classification de la maladie ou l’appréciation du pronostic;
 les traitements associés ont pu évoluer; la maladie peut varier selon 
les saisons ou les années... Pour toutes ces raisons, la comparaison 
doit être simultanée, ce qui implique des groupes comparables synchrones.
A quoi le nouveau traitement sera-t-il comparé ? Trois candidats sont possibles:
 soit le meilleur traitement disponible à ce jour, soit un placebo (substance de 
même présentation, mais sans effet pharmacologique), soit l’absence de 
traitement. La Déclaration d’Helsinki (recommandations pour la recherche
 médicale impliquant des humains, édictée en 1964, révisée en 2000) stipule 
que «les bénéfices, risques, inconvénients et efficacité d’une nouvelle méthode [...] 
doivent être testés contre la meilleure méthode actuelle. Cela n’exclut pas 
l’utilisation du placebo ou l’absence de traitement, lorsque aucune méthode 
prophylactique, diagnostique ou thérapeutique démontrée n’existe.» 
Le recours à un placebo demeure-t-il justifiable pour démontrer l’efficacité 
d’un nouveau produit, sans égard aux traitements déjà disponibles ? 
Pour de multiples raisons que nous ne pouvons détailler ici,
 la réponse nous paraît être clairement oui, pour autant que
 le sujet de recherche donne son consentement pleinement 
éclairé, que l’étude soit de durée limitée et n’entraîne aucun 
dommage irréversible. On préférera cependant une approche
 méthodologiquement plus solide, surtout lorsqu’il s’agit de 
délivrer une autorisation officielle de mise sur le marché.

Pourquoi l’allocation aléatoire des traitements («randomisation» et «double aveugle») ?
Afin de garantir l’objectivité des essais, le hasard décide de la répartition des
 patients dans l’un ou l’autre groupe : c’est ce que l’on appelle allocation 
aléatoire des traitements ou randomisation. On utilise aussi la procédure
 dite du double aveugle (ou double insu): 
ni le patient, ni le soignant ne savent qui reçoit quoi. Cela permet d’éviter
 les interprétations subjectives des symptômes, l’autosuggestion du patient 
et l’hétérosuggestion de l’investigateur. Bien entendu, la clé est détenue 
par un tiers, en charge de contrôler l’étude et, le cas échéant, de la stopper 
si l’éthique le commande.

Pourquoi tant de rigueur ?
L’expérience acquise par le traitement de quelques patients est importante.
 Mais, même associée au «flair clinique», elle ne saurait suffire lorsqu’il s’agit 
de prendre des décisions de politique sanitaire (acceptation ou non d’un
 nouveau traitement), avec les risques liés aussi bien au refus qu’à l’acceptation
 injustifiés d’un nouveau traitement.
Si l’insuline et la pénicilline ont été découvertes et introduites en 
thérapeutique sans essais contrôlés, cela ne saurait masquer le 
fait que d’autres traitements, dont l’efficacité paraissait évidente,
 se sont révélés inutiles voire dommageables lors d’essais cliniques contrôlés.
 A l’inverse, des traitements dont l’intérêt paraissait des plus limités se sont 
révélés remarquablement utiles (traitement de l’hypertension artérielle, par exemple).
Enfin, il faut être conscient que les vraies révolutions thérapeutiques sont très rares. Les progrès se font plutôt par addition de petites améliorations qui nécessitent une observation attentive, donc une méthodologie rigoureuse. Et, même dans le cas d’une substance très efficace, des questions demeurent, auxquelles il ne peut être répondu d’emblée, sans données fournies par des essais exigeants. C’est le cas par exemple du choix des doses, des indications (idéales, marginales ou discutables) ou des circonstances optimales d’utilisation.
Grâce à sa méthodologie rigoureuse, l’essai clinique contrôlé apporte une expérience systématisée, qui reste certes relative, mais peut être généralisée dans certaines limites.

Auteur: Professeur Jérôme Biollaz
Division de pharmacologie et toxicologie cliniques, FBM / Lausanne
 
Quoi de neuf à propos de l’expérimentation humaine ?

Marie-Luce Delfosse



Dès avant la deuxième guerre mondiale, l’expérimentation humaine 
a été perçue comme une activité médicale qui pose de nombreux problèmes
 et appelle un encadrement normatif. Qu’en est-il, actuellement, à cet égard
 en Belgique ? Pour répondre à cette question, il importe de tenir compte non 
seulement des règles juridiques en vigueur mais aussi des principes éthiques
 posés sur le plan international. En effet, en cette matière, on est renvoyé à
 une interaction complexe de règles de natures diverses — éthiques, 
déontologiques et juridiques. Cette situation que j’ai désignée ailleurs 
par l’expression « polyphonie normative » me semble particulièrement 
indiquée vu la nature des problèmes soulevés par l’expérimentation humaine.

Je présenterai d’abord l’état du droit en Belgique (1), puis les principes 
éthiques reprécisés récemment (2). J’indiquerai ensuite pourquoi à mon 
sens la situation de polyphonie normative est nécessaire, même s’il faut
 espérer qu’une loi-cadre définisse les conditions juridiques de l’expérimentation
 humaine en Belgique (3). Enfin, je signalerai certaines des questions 
particulièrement brûlantes auxquelles est confrontée aujourd’hui l’éthique médicale (4).

1. L’état du droit en Belgique.

L’état du droit actuel en Belgique est bien décrit succinctement par le Comité 
consultatif de bioéthique dans le Rapport introductif à l’avis n° 13 du 9 juillet
 2001 relatif aux expérimentations sur l’homme :

La légitimité des activités d’expérimentation n’est pas prévue dans 
l’A.R. n° 78 du 10 novembre 1967 relatif à l’exercice de l’art de guérir, 
de l’art infirmier, des professions paramédicales et aux commissions
 médicales (M.B., 14 novembre 1967), mais ces activités sont 
explicitement requises ailleurs (Loi du 25 mars 1964 sur les médicaments 
(M.B. 17 avril 1964), A.R. du 3 juillet 1969 relatif à l’enregistrement des 
médicaments (M.B. du 10 juillet 1969)).

Il faut noter en outre que la Directive européenne sur l’enregistrement 
des médicaments (Dir. 91/507/CEE de la Commission du 19 juillet 1991) 
a conduit à intégrer dans le droit belge la notion du « good clinical practice »
 (G.C.P.) ainsi que la référence à la Déclaration d’Helsinki de l’Association
 médicale mondiale (A.R. du 22 septembre 1992 modifiant l’A.R. du 
16 septembre 1985 concernant les normes et protocoles applicables 
en matière d’essais de médicaments à usage humain (M.B. 5 décembre 1992). 
Enfin, le Code de Déontologie Médicale du Conseil National de l’Ordre des
 Médecins du 1er mars 1993, impose aux médecins des principes déontologiques
 et le recours à l’avis d’un comité d’éthique indépendant.

L’article 70 ter de la loi sur les hôpitaux, inséré dans cette loi par 
l’article 194 de la loi du 25 janvier 1999 (M.B. 6 février 1999), 
donne désormais une base légale aux comités locaux en énonçant 
que « tout hôpital doit disposer d’un comité local d’éthique » et en 
déterminant leurs missions ; celles-ci sont, après un arrêt d’annulation 
de la Cour d’Arbitrage du 31 octobre 2000 :

« 1° une mission d’accompagnement et de conseil concernant
 les aspects éthiques de la pratique des soins hospitaliers ;

2° […] ;

3° une fonction d’avis sur tous les protocoles d’expérimentation
 sur l’homme et le matériel reproductif humain ».

On peut certes penser que ces normes sont insuffisantes. En pratique,
 elles sont complétées par les dispositions des « good clinical practice »,
 la Déclaration d’Helsinki et les règles déontologiques.

Par ailleurs, l’expérimentation sur l’homme est traitée par la Convention 
du Conseil de l’Europe sur les Droits de l’homme et la biomédecine,  
Oviedo, 4 avril 1997.

Il faut aussi noter dans ce contexte la Directive Européenne 2001/20/CE du 4
 avril 2001 concernant le rapprochement des dispositions législatives, réglementaires
 et administratives des États membres relatives à l’application de bonnes pratiques cliniques
 dans la conduite d’essais cliniques de médicaments à usage humain (J.O. 1 mai 2001).

Il ressort de cette présentation qu’en Belgique les dispositions juridiques sont lacunaires. 
L’expérimentation humaine n’est pas envisagée dans sa globalité ; en définitive c’est par 
le biais de la législation européenne qu’un cadre normatif est tracé pour les essais 
cliniques de médicaments, ce qui laisse en suspens les autres activités expérimentales
 réalisées sur des humains. Cependant, l’expérimentation est traitée de façon plus 
globale par le Conseil de l’Europe dans la Convention sur les droits de l’homme et la 
biomédecine.

Par ailleurs, le 21 août 2001, Monsieur M. Thierry Giet a déposé à la 
Chambre une « Proposition de loi relative à l’expérimentation humaine, 
modifiant l’arrêté royal n° 78 du 10 novembre 1967 relatif à l’exercice de 
l’art de guérir, de l’art infirmier, des professions paramédicales et aux 
commissions médicales »[1]. Ce texte définit aussi les conditions à respecter 
lors d’une expérimentation et propose l’instauration d’un fichier fédéral de 
recensement des volontaires sains (art. 10).

Enfin, la loi-programme I du 24 décembre 2002 (M.B. 31 décembre 2002) 
comprend plusieurs dispositions importantes (art. 258, 1° et 2°) dans le
 cadre de la réalisation des essais cliniques. Ces dispositions comprennent 
entre autres une modification de l’article 6bis de la loi des médicaments 
concernant les conditions auxquelles peuvent être réalisés des essais (art. 258, 1°)
 ainsi que les modalités de définition des règles relatives à la composition et au
 fonctionnement des comités d’éthique (art. 258, 2°). L’avis favorable d’un 
comité d’éthique avant la réalisation d’un essai est désormais obligatoire.
 Ces dispositions visent à permettre l’exécution de la Direction européenne 2001/20/CE.

Pour leur part, le Parlement européen et le Conseil ont adopté le 6 novembre 2001
 la Directive 2001/83/CE instituant un code communautaire relatif aux médicaments
 à usage humain (J.O. 28 novembre 2001).

2. L’éthique internationale de l’expérimentation humaine.

Depuis les « Directives concernant les nouveaux traitements médicaux et
 l’expérimentation scientifique sur l’être humain » adoptées en 1931 par
 le Ministère de l’Intérieur du Reich allemand, de nombreux textes se sont 
attachés à définir les principes éthiques à respecter dans l’expérimentation
 humaine : les plus connus sont assurément le Code Nuremberg (1947) et la 
Déclaration d’Helsinki de l’Association médicale mondiale (AMM) dont la 
première version date de 1964 et qui fut revue en 1975, 1983, 1989, 1996
 et 2000 afin de répondre à l’évolution des situations. Tous ces textes font 
valoir des exigences communes, notamment une expérimentation animale
 préalable, une proportionnalité entre les risques possibles et les bénéfices 
attendus, et un consentement éclairé, à quoi s’ajoutera, en 1975, l’examen 
préalable du protocole de recherche par un comité d’éthique indépendant.

C’est en 2000 que la révision de la Déclaration d’Helsinki fut la plus profonde.
 Signalons quelques-unes des nouveautés qu’apporte ce texte.

D’abord, la Déclaration concerne désormais non plus les seuls médecins mais
 aussi les « autres participants à la recherche médicale sur les êtres humains ». 
Ensuite, en parlant de « recherche médicale », elle ne s’attache plus aux 
seules expérimentations mais à toutes les formes de recherche menées 
sur des humains (principe 1). Enfin, elle présente la recherche comme un 
processus continu d’évaluation des nouveautés comme des évidences 
acquises au regard non seulement de leur efficacité mais aussi de leur 
qualité et de leur accessibilité (principe 6).

Par ailleurs, la Déclaration se pose désormais comme texte de référence 
qui doit être respecté par les déontologies et les législations nationales 
et internationales (principe 9). Elle semble ainsi prendre acte du rôle qu’on
 lui fait jouer dans ces textes. En effet, souvent, ceux-ci  se réfèrent explicitement 
à la Déclaration  pour définir les principes éthiques de base à respecter dans la
 recherche sur les humains. Ainsi en est-il notamment des Directives CE 2001/20 
et 2001/83.

Une autre nouveauté importante est la restructuration du texte. Celui-ci définit
 désormais des principes fondamentaux applicables à toute recherche médicale
 et des principes complémentaires applicables aux recherches conduites lors d’un
 traitement. Cette structure nouvelle remplace la distinction établie auparavant 
autre « recherche clinique » et « recherche non thérapeutique ». Une telle 
distinction axée sur la finalité globale des actes favorisait la confusion entre
 les actes de soin et les actes de recherche. Par conséquent, dans les
 situations où se combinent les actes à visée thérapeutique et les actes 
à visée cognitive (et donc non directement thérapeutique), par exemple 
dans les essais cliniques de médicaments, il pouvait être difficile d’adopter 
à l’égard de chacun les actes, les normes et critères éthiques appropriés.
 Or, dans les activités de soin, les médecins peuvent prendre des risques
 très importants à l’égard de leurs malades s’il s’agit là des moyens de 
sauver la vie de ces derniers. Par contre, dans leurs activités de recherche,
 les médecins doivent se soumettre à des normes plus contraignantes dans
 la mesure où, par définition, la recherche poursuit une finalité cognitive dont
 le bénéfice n’est pas destiné au seul patient, mais à travers lui à d’autres. 
C’est en tenant compte de cette nouvelle distinction qu’est envisagé l’usage
 compassionnel d’une méthode nouvelle ou non éprouvée. 
Cet usage constitue une innovation : à ce titre, il ne relève pas de la recherche,
 mais de la pratique médicale. C’est pourquoi la Déclaration précise que la
 méthode essayée devra faire l’objet d’une recherche ultérieure dans toute 
la mesure du possible afin d’évaluer sa sécurité et son efficacité (principe 32).

La Déclaration d’Helsinki 2000 exige aussi le respect de la vulnérabilité des personnes.
 Celle-ci est envisagée de manière plus étendue qu’avant. 
Elle peut être économique, liée à l’état de santé, à l’incapacité 
de fait ou de droit, à l’insertion dans une structure fortement hiérarchisée,
 à la structure des essais (volontaires-malades) (principe 8).

De plus, le rôle des comités d’éthique est étendu. Outre l’examen préalable
 des protocoles de recherche, les comités doivent désormais assurer un suivi 
des recherches en cours. Les informations à leur communiquer sont, elles
 aussi, étendues. Le financement de la recherche, l’appartenance 
institutionnelle des investigateurs et les éventuels conflits d’intérêt 
doivent être signalés (principe 13).

Une des questions importantes et qui a fait l’objet d’une vive polémique
 est celle des modalités de comparaison dans les essais cliniques. 
En 2000, la Déclaration a exigé clairement une comparaison avec 
les meilleures méthodes diagnostiques, thérapeutiques ou de prévention 
en usage, et a limité la comparaison contre placebo aux études pour lesquelles
 il n’existe pas de méthode éprouvée (principe 29). Cette position a cependant 
été nuancée en octobre 2002 : avec l’appréciation d’un comité d’éthique, 
l’usage du placebo peut être admis pour des raisons méthodologiques 
contraignantes et scientifiquement valables à condition qu’il s’agisse 
d’une situation peu grave (« minor condition ») et que le patient n’encoure
 aucun risque supplémentaire ni de dommages sérieux et irréversibles.

Il est impossible de rendre compte ici du débat qui a entouré ce principe 29. 
Deux questions peuvent néanmoins en suggérer la teneur. Qu’entendre par
 meilleures méthodes en usage : les méthodes occidentales, ou les méthodes
 en usage dans les pays en développement où des recherches sont menées ?
 Peut-on mener des recherches contre placebo dans des pays en 
développement pour des infections graves (par ex. la transmission verticale
 du virus HIV) parce que dans ces pays les méthodes occidentales éprouvées
 ne sont pas disponibles et ne pourront être accessibles largement ?

On trouve des éléments de réponse à ces questions dans les International
 Guidelines for Biomedical Research Involving Human Subjects définies fin 
2002 par le Conseil des Organisations internationales des sciences médicales
 (CIOMS) en collaboration avec l’Organisation mondiale de la santé (OMS). 
Celles-ci rappellent et précisent deux principes déjà posés en 1993 
dans la première version de ce texte : la recherche menée par un pays 
sponsor dans un pays hôte doit répondre aux besoins de santé et aux
 priorités du pays hôte, et satisfaire à ses critères éthiques (Guideline 3) ; 
un produit testé doit, au terme de la recherche, si elle est concluante, 
être rendu raisonnablement disponible pour la population impliquée (Guideline 10). 
Ce deuxième principe, envisagé en 1993 comme une possibilité dont il fallait informer 
les sujets impliqués dans la recherche, devient désormais une obligation.
 Par ailleurs, les sponsors et chercheurs étrangers ont l’obligation de contribuer 
à développer la capacité locale ou nationale des pays hôtes de concevoir
 et de conduire une recherche biomédicale (Guideline 20).

Ce texte mérite une lecture attentive. Ainsi, le commentaire de la Guideline
 11 discute-t-il les situations où une comparaison contre placebo serait ou 
non admissible. Le critère de la mise à disposition du produit (sous une forme
 ou une autre) joue à cet égard un rôle décisif. On perçoit ainsi comment
 l’éthique médicale se trouve en définitive enserrée (ou prise au piège ?)
 par des règles économiques sur lesquelles elle n’a pas prise.

3. Pourquoi une « polyphonie normative » ?

Ce survol de deux textes récents et importants définissant les principes
 éthiques à respecter dans l’expérimentation humaine ne peut ici qu’indiquer 
quelques orientations et questions. Il suffit néanmoins pour saisir l’intérêt de
 la polyphonie normative évoqué plus haut. D’abord, il conduit à constater que 
cette polyphonie joue de fait puisque la Déclaration d’Helsinki se pose elle-même
 comme texte de référence que les législations et déontologies nationales et
 internationales doivent respecter. En outre, il permet de percevoir que les 
questions soulevées par l’expérimentation humaine ne peuvent être traitées 
seulement par le droit car elles exigent plus que la conformité formelle avec 
une règle juridique. Au-delà de cette conformité, il importe de promouvoir un
 esprit, une manière de mettre les règles en œuvre. Cette démarche-là 
relève de l’éthique.

Ceci ne signifie nullement qu’il faut se contenter de la situation
 actuelle d’un droit lacunaire. Mais il importe de se rendre compte que 
le droit, même complété, ne peut répondre à tout : une règle juridique 
telle que l’exigence du consentement éclairé ne peut être mise en œuvre
 adéquatement sans une attention à la singularité des personnes, à 
laquelle seule l’éthique peut sensibiliser.

4. Questions ouvertes.

L’éthique médicale se trouve aujourd’hui confrontée à 
d’autres types de questions encore, qui sont radicales et qui mettent 
en jeu les relations Nord-Sud.

Deux positions s’affrontent. 
Au nom de l’éthique, certains soutiennent qu’il faut donner à chacun les
 meilleurs soins disponibles, sans considération de lieux, et particulièrement 
lorsqu’il s’agit de pathologies lourdes, comme le Sida. D’autres soutiennent 
que seules sont acceptables éthiquement les études qui permettront de
 fournir des réponses utiles pour les patients, c’est-à-dire des réponses 
qui tiennent compte du contexte, notamment de ce qui est ou pourra 
être mis, de façon abordable, à la disposition de toute la population concernée[2]. 
Entre l’urgence des soins et une certaine conception de la science et de la 
justice distributive, l’éthique médicale cherche sa voie. La récente atténuation
 apportée au principe 29 de la Déclaration d’Helsinki à propos de l’usage du 
placebo suite aux objections des firmes pharmaceutiques et de la FDA montre
 que la tâche n’est pas terminée.

Les débats relatifs à la recherche médicale et aux essais cliniques, tout comme ceux,
 bien plus publics, qui concernent l’accès aux médicaments, sont marqués par
 l’émergence d’un enjeu nouveau et majeur : la fracture entre le Nord et le Sud.
 On peut établir un rapprochement entre les pôles qui se manifestent dans les 
deux domaines. Appliquer un principe de justice fondé sur la reconnaissance 
de la commune humanité des êtres humains où qu’ils vivent et qui pousse à 
chercher et à mettre en œuvre les moyens de les faire bénéficier partout des 
meilleurs soins disponibles, d’assurer un accès aux médicaments en fonction d
es besoins, à des prix non protégés par le système des brevets  ? 
Ou appliquer un principe de justice différenciée : assurer des soins 
adaptés à l’état et aux possibilités du contexte, établir pour les médicaments
 des prix différents dans les limites compatibles avec la politique 
et les intérêts des firmes pharmaceutiques ?


[1] Doc. parl, Ch., 50 1390/001 (2000-1).

[2] Voir notamment les articles de M. Angell, P. Lurie et S.M. Wolfe d’une part, 
de H. Varmus et D. Satcher, d’autre part, dans N.E.J.M.,  337 (1997) qui ont lancé le débat.


24/01/2012

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