Nous mentirait-on?

Nous mentirait-on?

CONSTITUTION EUROPÉENNE: Une Constitution piégée

 

Une Europe en déficit démocratique

Depuis 30 ans, les états européens ont transféré une part croissante de leur pouvoir à une Union Européenne dont les institutions ne sont toujours pas démocratiques. Le parlement est élu au suffrage universel, mais son pouvoir est limité. Quant au gouvernement européen (la "Commission") et son président, ils ne sont toujours pas élus par les citoyens européens. Le président de la Commission est choisi par les dirigeants des états-membres, après des tractations opaques. Quant aux ministres (les "Commissaires européens"), ils sont choisi par le président de la Commission, une fois celui-ci nommé. La Commission doit néanmoins obtenir un vote d'investiture du Parlement.

Le projet de Constitution donne un peu plus de pouvoir au parlement, mais à dose homéopathique. La Commission continue de ne pas être responsable devant le parlement une fois nommée, et tous les domaines les plus importants continuent de relever du seul pouvoir de la Commission. Contrairement à l'usage dans toutes les démocraties, le Parlement n'a pas le droit de proposer des lois (article I-26). Cette impuissance du Parlement est tout simplement inacceptable, compte tenu de l'étendue des pouvoirs qui ont été transférés à l'Union Européenne par les états. Avant de transférer encore plus de pouvoir à l'Union, et surtout, avant que les états ne renoncent à des constitutions nationales démocratiques, il est impératif de rendre les institutions européennes conformes aux critères de la démocratie. Or c'est justement ce que ne fait pas le projet de constitution.

 

 

Une Europe marchande sous l'emprise des multinationales

La politique européenne est élaborée par la Commission en étroite collaboration avec l'European Round Table (ERT), un lobby qui rassemble les dirigeants des grandes multinationales européennes. L'European Round Table est associée à toutes les grandes décisions en matière économique, financière, sociale, ou environnementale.

Depuis le départ, la construction européenne se limite à un espace marchand, à un grand bazar commerçant dans lequel les intérêts des grandes entreprises sont prioritaires. L'émergence d'une citoyenneté européenne, un fonctionnement plus démocratique des institutions, ou encore une convergence sociale et fiscale et sociale équivalente à la convergence financière et économique, toutes ces questions sont secondaires, voire indésirables du point de vue des entreprises.

 

 

Une Europe à orientation dissymétrique

 

Depuis 20 ans, la construction européenne se fait toujours dans certains domaines (ceux qui favorisent les intérêts des grandes entreprises) et jamais dans d'autres domaines toujours remis à plus tard (ceux qui vont dans le sens de l'intérêt des citoyens-salariés-consommateurs). Ainsi, on a organisé une harmonisation financière et commerciale entre les pays, sans organiser une harmonisation équivalente de la fiscalité, des salaires, et des charges sociales. C'est ce qui permet à certains pays de pratiquer un "dumping" fiscal et social pour attirer les délocalisations. C'est le cas en particulier des pays d'Europe de l'Est, récemment intégrés dans l'Union afin d'offrir aux entreprises un réservoir de main d'oeuvre bon marché.

 

 

L'Europe des délocalisations

Le nouveau président néo-libéral et pro-américain de la Commission est loin de vouloir remédier à cette dissymétrie. José Manuel Barroso (en photo) estime que "la concurrence fiscale" des nouveaux pays de l'UE est "juste". Il a qualifié "d'irréaliste" l'harmonisation de l'impôt sur les sociétés au niveau européen. Quant aux délocalisations, José Manuel Barroso a le mérite d'être clair. En février 2005, il a déclaré: "Les délocalisations sont des décisions que les entreprises peuvent et doivent prendre".

La commissaire européenne Danuta Hübner est également explicite lorsqu'elle parle de la nécessité de "faciliter les délocalisations au sein de l'Europe". Dans un entretien publié par le quotidien français "La Tribune" et le journal allemand "Handelsblatt", elle déclare:

"Prévenir les délocalisations, les stopper par des règles artificielles travaillerait contre la compétitivité des entreprises. Ce que nous devons faire, au contraire, c'est faciliter les délocalisations au sein de l'Europe. Ainsi les sociétés européennes seront globalement plus fortes car elles pourront abaisser leurs coûts". Selon Danuta Hübner, faciliter les délocalisations au sein de l'Europe est la seule solution pour éviter que les entreprises ne délocalisent vers l'Inde ou la Chine.

Or cette logique consiste à céder au chantage à l'emploi exercé par les multinationales. Cela conduit à un alignement progressif des salaires européens sur les salaires chinois. En Chine, une ouvrière de l'industrie textille est payée 100 euros par mois pour 12 heures de travail par jour, 6 jours sur 7 et avec 5 jours de vacances par an. Les conditions sont à peu près identiques en Roumanie, un pays qui entrera dans l'Union européenne en 2007, et dont 45% de la population vit sous le seuil de pauvreté. Les entreprises n'ayant aucun sens civique ni aucune responsabilité envers la société et les populations, les délocalisations continueront tant qu'il y aura le moindre centime à y gagner.

 

 

Une Constitution opaque et anti-démocratique

 

 

Dans toutes les grandes démocraties, la constitution est un texte court d'une vingtaine d'articles, rédigés dans un langage clair et compréhensible par tous. A l'inverse, la Constitution Européenne concoctée par Valéry Giscard d'Estaing est un monument de technocratie et d'hermétisme, avec pas moins de 458 articles et plus de 400 pages auxquelles s'ajoutent de nombreuses annexes. Et pour être certain qu'aucun citoyen ne puisse comprendre le sens du "contrat" qu'on lui demande de signer, les articles de la Constitution contiennent une multitude de renvois à d'autres articles ou à des traités européens précédents.

 

 

Des droits civiques en trompe-l'oeil

La Constitution affirme que l'Europe est fondée sur "l'égalité des êtres, la liberté, le respect de la raison", ajoutant que "les peuples de l'Europe sont résolus à dépasser leurs anciennes divisions et, unis d'une manière sans cesse plus étroite, à forger leur destin commun". La constitution définit les droits fondamentaux en vigueur dans l'Union. Elle garantit la liberté d'expression et de religion. Elle évoque également le droit à la vie, à un toit, à l'éducation ou encore à des conditions de travail justes. Le problème est que les droits du citoyen sont toujours formulés dans des termes vagues qui ne permettront pas leur application dans la pratique. Alors que les droits accordés aux entreprises sont formulés de manière beaucoup plus précise. La Constitution ne prévoit rien pour faire respecter les libertés individuelles et les droits sociaux. Mais lorsqu'il s'agit des principes favorables aux entreprises, la Constitution prévoit des sanctions judiciaires, notamment contre les états qui entraveraient la "libre-concurrence".

 

De plus, la plupart des droits civiques énnoncés par la Constitution dans sa "Charte des droits fondamentaux" (partie II) sont en réalité vidés de leur contenu par des annexes placées discrètement à la fin du traité constitutionnel (partie IV). Enfin, certains droits fondamentaux sont absents de cette constitution, comme la liberté de disposer de son propre corps. L'absence de cette liberté est la porte ouverte aux abus médicaux, et à un contrôle social médicalisé, par le biais de la biométrie et des futurs implants. Le revenu minimum et le droit au logement sont également absents de cette constitution, alors qu'ils sont reconnus par la déclaration Universelle des Droits de l'Homme adoptée par l'ONU en 1948.

 

 

Camisole de force pour coup d'état libéral

Cette constitution outrepasse son rôle normal dans une démocratie, en incluant des articles qui fixent définitivement les orientations économiques "libérales", quels que soient les éventuels changements de majorité politique issus des futures élections. La Constitution rend définitives des politiques économiques dont le choix doit dépendre des électeurs, et ce choix doit pouvoir varier dans le temps. Il est tout simplement inacceptable que la politique économique et sociale soit ainsi "constitutionnalisée".

 

 

 

Le but de cette Constitution n'est rien moins que d'enfermer définitivement les pays européens dans une camisole de force libérale, sans aucune possibilité de changer de politique par la suite. Et c'est bien pour cette raison que nos dirigeants politiques tiennent tant à ce que cette Constitution soit adoptée. Ceux dont ils servent les intérêts ont beaucoup à y gagner, ce qui signifie que les citoyens ont beaucoup à y perdre...

 

 

 

 

 

 

 

Une Constitution définitive

Les partisans du "oui" à la Constitution disent en substance: "cette constitution est imparfaite, mais prenons ce qu'il y a de bon a y prendre, et ses imperfections pourront toujours être corrigées plus tard". En réalité, il n'y aura pas de révision de cette constitution pour l'améliorer dans le futur. Car toute tentative de réforme de la constitution est assurée de ne jamais obtenir la double unanimité nécessaire des parlements et des gouvernements des 25 pays-membres 

Une Europe sans débat public franc

Comme les étapes précédentes de la construction européenne, le projet de Constitution fait l'objet d'un débat public biaisé, où toutes les cartes ne sont pas présentées aux citoyens.

Les arguments utilisés par les partisans du "Oui" sont aussi lyriques qu'imprécis et incomplets, avec un mensonge par omission sur les points les plus importants. Comme lors du débat sur l'euro, les pro-européens utilisent une stratégie de dramatisation, en présentant un refus éventuel comme une catastrophe qui remettrait en cause toute la construction européenne, voire même la paix en Europe.

 

On retrouve là des tactiques de manipulation typiques des agents de la pensée unique: utiliser la peur, "noyer le poisson" dans la confusion (afin que les gens finissent par ne plus savoir quoi penser), et faire appel à l'émotionnel (au pathos) plutôt qu'à l'analyse.

 

Dans le même temps, le public n'est jamais informé des conséquences concrètes des "avancées" qui lui sont proposés. Au moment de l'adoption de l'euro, personne n'a dit au "public" que cela entraînerait une hausse des prix de 30 à 40%.

 

De même, au moment de l'élargissement à 25 pays-membres, les citoyens européens ont été invités à une joie béate pour célébrer l'unité européenne. Mais personne ne leur a dit que la première conséquence allait être une accélération des délocalisations, ni que les nouveaux pays-membres pratiquaient un dumping fiscal et social qui favorise ces délocalisations.

 

 

Les pièges de la Constitution

Ce que l'on ne dit pas aux citoyens aujourd'hui, c'est que ce projet de Constitution est en réalité une abdication définitive des gouvernements élus, et donc de la démocratie. Comme l'AMI, la Constitution a pour but de soustraire les décisions économiques et sociales importantes au débat démocratique et au pouvoir des gouvernements élus, et à empêcher toute politique contraire aux intérêts des entreprises, même dans le cas où un gouvernement authentiquement au service des citoyens serait élu.

 

Un autre point commun avec l'AMI est la sacralisation du principe de "libre concurrence" pour démanteler les services publics. Par exemple, le financement par l'état d'un service public comme la Poste peut être accusé de fausser la concurrence par rapport aux entreprises postales privées qui ne peuvent compter que sur leur propres ressources. De même, l'enseignement public fausse la concurrence par rapport aux écoles privées. Les télévisions publiques ou les subventions à la culture sont également menacés. Si la Constitution est adoptée, les services publics ne pourront exister que dans les secteurs où aucune entreprise n'est présente, autrement dit les secteurs totalement non-rentables. Mais ces secteurs sont de plus en plus rares, car même la police où l'armée sont destinées à devenir des "prestations" fournies aux états par des entreprises privées. Le principe de "concurrence libre et non-faussée" interdit aussi aux états de fixer un salaire minimum (SMIC) qui limite la "concurrence" sur le "marché du travail". Or les entreprises tiennent à accroître cette concurrence, car elle permet de tirer les salaires vers le bas.

 

Ce que l'on oublie également de dire au citoyen, c'est que cette Constitution contient des articles qui seront lourds de conséquences. Il est notamment prévu que le vote des pays européens disposant d'un siège au Conseil de Sécurité de l'ONU devra être conforme à la "Politique Etrangère et de Sécurité Commune" (dite "PESC") définie par la Commission. Or, le responsable européen de la PESC est l'ancien secrétaire général de l'OTAN, Javier Solana, qui était favorable à l'intervention militaire américaine en Irak. Avec la Constitution, la France n'aurait pu s'opposer à cette guerre comme elle l'a fait au Conseil de Sécurité de l'ONU. La Constitution affirme aussi que la politique de défense de l'Union devra se faire dans le cadre de l'OTAN, une organisation sous la tutelle des Etats-Unis.

 

Les défenseurs du "Oui" essayent de faire miroiter aux Français que la Constitution permettrait l'affirmation d'une Europe qui serait un contrepoids aux Etats-Unis. En réalité, c'est le contraire qui a été décidé par les actuels dirigeants de l'Europe, de même que la Constitution a été conçue pour renforcer l'ancrage de l'Union Européenne dans l'orbite des Etats-Unis. Ce n'est pas un hasard si Mr Barroso a été choisi pour être le président de la Commission pour les 5 prochaines années. Comme Javier Solana, José Manuel Barroso a soutenu la politique de Bush en Irak (il était alors premier ministre du Portugal et avait décidé l'envoi de soldats portugais en Irak).

 

Un autre article du projet de Constitution donne tout pouvoir à la Commission (gouvernement non-élu) pour négocier les accords multilatéraux (comme l'AMI ou l'AGCS) à la place des états. En 1998, l'AMI n'avait pu être adopté à cause de l'opposition de la France. Avec l'entrée en vigueur de la Constitution Européenne, un pays n'aura plus la possibilité de faire échouer les accords multilatéraux en préparation.

 

Ce projet de Constitution est tout simplement un piège mortel, dont le but est d'accroître et de rendre définitive l'orientation ultra-libérale de l'Europe, de rendre possible et même obligatoire le démantèlement des services publics, de livrer les citoyens européens au bon vouloir des entreprises, et d'aligner l'Europe sur la politique des Etats-Unis.

Une occasion unique

Pour ceux qui refusent l'orientation ultra-libérale de l'Europe, le référendum sur la Constitution est la dernière occasion de changer le cours des choses. Un "Non" français à la Constitution, loin d'affaiblir la construction européenne, obligerait au contraire les dirigeants politiques à proposer une nouvelle Constitution, sur des bases plus équilibrées et plus démocratiques, en accord avec les aspirations des citoyens européens. Cette nouvelle constitution devra être débarrassée de la "partie III" (les 300 pages qui constitutionnalisent la politique économique et sociale) en se centrant sur les institutions et les droits civiques, comme doit le faire une Constitution dans toute démocratie.

 

La campagne d'intimidation du "Oui" prédit un isolement de la France en Europe dans le cas où le "Non" l'emporterait, alors que lorsque la Grande Bretagne a refusé d'adopter l'Euro elle n'a pas été mise au banc pour autant. En réalité, c'est même le contraire qui se produirait: en disant NON, la France entrainerait les autres électeurs européens à prendre conscience des pièges de cette Constitution. Déjà, le Non est donné gagnant avec 58% des voix en Hollande (pays pourtant très pro-européen) où un réferendum aura lieu 3 jours après le réferendum français. Le "non" gagne du terrain en Pologne, et il est majoritaire en Grande-Bretagne. En Belgique et en Allemagne, la constitution sera adoptée sans référendum, mais la contestation monte et une majorité de citoyens de ces pays espèrent désormais que les Français diront "Non".

 

Tous les responsables politiques de droite et de gauche qui n'ont cessé de mentir et de tromper les électeurs depuis 20 ans sont à l'unisson en faveur de la Constitution. Au service d'intérêts particuliers (les multinationales), ils se sont relayés au pouvoir pour appauvrir les salariés, détruire les services publics, enrichir les entreprises, endetter l'état, et créer la situation économique et sociale que nous connaissons aujourd'hui (salaires de misère, hausse des prix, précarité généralisée, délocalisations en masse, chantages à l'emploi, etc...). Pour les citoyens, voter NON à la Constitution est donc une superbe occasion pour exprimer leur colère simultanément envers la droite libérale et la gauche libérale, et faire mordre la poussière à des élites politiques dévoyées, arrogantes et autistes.

© Syti.net, Avril-Mai 2005

 

 

 

 Rappel des mensonges de Maastricht

A l'occasion du référendum français sur le traité de Maastricht qui instituait l'abandon du franc pour l'euro, voici ce que promettaient ceux qui nous demandent aujourd'hui de voter "oui" à la constitution...

 

Edouard Balladur, UMP (droite libérale), dans "Le Monde" (29 avril 1992)

"Chaque Etat conservera la maîtrise de sa politique budgétaire et fiscale, dans des limites qui ne seront pas plus étroites que celles d'aujourd'hui."

 

Michel Sapin, PS (gauche libérale), dans "Le Figaro" (20 août 1992)

"J'aimerai convaincre chaque français, chaque lecteur, que le traité d'union européenne se traduira en France par plus de croissance, plus d'emploi, plus de solidarité."

 

Martine Aubry, PS (gauche libérale), discours à Béthune (12 septembre 1992)

"C'est peut-être sur l'Europe sociale qu'on entend un certain nombre de contre-vérités. Et ceux qui ont le plus à gagner de l'Europe sociale, notamment les ouvriers et les employés, sont peut-être les inquiets sur ces contre-vérités. (...) Comment peut-on dire que l'Europe sera moins sociale demain qu'aujourd'hui? Alors que ce sera plus d'emplois, plus de protection sociale et moins d'exclusion..."

 

L'ERT - European Round Table

L'European Round Table (ERT) est un lobby fondé par Etienne Davignon (ex-président de la Société Générale de Belgique et membre du Groupe de Bilderberg) et qui rassemble les dirigeants des grandes multinationales européennes. L'European Round Table est associée à toutes les grandes décisions de l'Union Européenne en matière économique, financière, sociale, ou environnementale.

 

Liste des principaux membres de l'European Round Table:

Président:

Helmut Maucher - Nestlé

Vice-Présidents:

André Leysen - Agfa-Gevaert

David Simon - British Petroleum (BP)

 

Membres:

Américo Amorin - Amorin Group

Percy Barnevik - ABB

Jean-Louis Beffa - Saint-Gobain

Marcus Bierich - Robert Bosch

Peter Bonfield - British Telecom (BT)

Cor Boonstra - Philips

Simon Caims - B.A.T Industries

Bertrand Collomb - Lafarge

François Cornelis - Petrofina

Alfonso Cortina de Alcover - Repsol

Gehrard Cromme Fried - Krupp

Etienne Davignon - Sté Générale de Belgique

Carlo de Benedetti - Olivetti

Casimir Ehmrooth - UPM Kymmene

Jean-René Fourtou - Vivendi Universal

(également ex-PDG de Rhône-Poulenc devenu Aventis avant de fusionner avec Sanofi-Synthelabo)

 

Jose Antonio Garrido - Iberdrola

Fritz Gerber - Hoffmann-La Roche

Ronald Hampel - ICI (International Chemical Industries)

Cornelius Herkströter - Royal Dutch Shell

Daniel Janssen - Solvay

Jak Kamhl - Profilo Holding

David Lees - GKN

Flemming Lindelov - Carlsberg

Pietro Marzotto - Marzotto

Jérôme Monod - Lyonnaise des eaux

Egil Myklebust - Norsk Hydro

Théodore Papalexopoulos - Titan Cement

Heinrich von Pierer - Siemens

Lars Ramqvist - Ericsson

Edzard Reuter - Airbus Industrie

Cesare Romiti - Fiat

Nigel Rudd - Oilkington

Richard Schenz - OMV

Manfred Schneider - Bayer

Jürgen Schaempp - Daimler Benz

Louis Schweizer - Renault

Mickael Smurfit - Jefferson Smurfit

Morris Tabaksblat - Unilever

 

 

 

Constitution européenne: Des annexes inquiétantes...

 

 

La Constitution européenne offre des libertés en trompe-l'oeil et prépare le terrain à une dérive totalitaire et policière de l'Europe par le biais "d'annexes" ignorées du public et dont les médias ne parlent jamais.

Ces annexes vident de son contenu la "Charte des droits fondamentaux" incluse dans la constitution et censée garantir les droits de l'homme en Europe. Le droit européen étant au-dessus des lois nationales, ces limitations s'appliqueront à tous les pays européens...

  La Constitution et sa version "simplifiée" (le traité de Lisbonne) contiennent de nombreuses annexes dont le rôle est d'indiquer de quelle façon les différents articles doivent être interprétés et appliqués.

 

Ces annexes font juridiquement partie de la Constitution:

article IV-442:

"Les protocoles et annexes du présent traité en font partie intégrante."

De plus, les annexes sont désignées comme référence pour l'interprétation devant éventuellement être faite par un tribunal:

 

article II-112, 7:

"Les explications élaborées en vue de guider l'interprétation de la Charte des droits fondamentaux sont dûment prises en considération par les juridictions de l'Union et des États membres."

 

Or, dissimulées parmi ces annexes, on trouve des "explications" qui permettent tout simplement de ne pas appliquer la Charte des Droits fondamentaux (la partie II de la Constitution) dans des cas dont la définition est délibérément floue et extensible.

   Ces annexes à la Charte des Droits fondamentaux figurent à l'article 12 de la section A de "l'acte final" de la partie IV, à la fin du texte constitutionnel, à l'abri du regard des nombreux électeurs qui auront abandonné la lecture avant la fin.

 

 

 

Peine de mort en cas d'émeute, d'insurrection, ou de "menace de guerre"

En apparence, la Constitution reconnait le droit à la vie, et interdit la peine de mort:

 

article II-61

1. Toute personne a droit à la vie.

2. Nul ne peut être condamné à la peine de mort, ni exécuté.

Mais dans le paragraphe 3-a de l'article 2 de l'annexe 12 (intitulée "Déclaration concernant les explications relatives à la Charte des droits fondamentaux", section A de l'acte final de la partie IV), on peut lire une "explication" qui limite sérieusement la portée de l'article II-61:

 

"Les définitions «négatives» qui figurent dans la CEDH doivent être considérées comme figurant également dans la Charte:

a) l'article 2, paragraphe 2 de la CEDH:

«La mort n'est pas considérée comme infligée en violation de cet article dans les cas où elle résulterait d'un recours à la force rendu absolument nécessaire:

a) pour assurer la défense de toute personne contre la violence illégale;

b) pour effectuer une arrestation régulière ou pour empêcher l'évasion d'une personne régulièrement détenue;

c) pour réprimer, conformément à la loi, une émeute ou une insurrection.»

b) l'article 2 du protocole n° 6 annexé à la CEDH:

«Un État peut prévoir dans sa législation la peine de mort pour des actes commis en temps de guerre ou de danger imminent de guerre; une telle peine ne sera appliquée que dans les cas prévus par cette législation et conformément à ses dispositions»."

 

Ces limitations contestables instaurées par la CEDH (Convention Européenne des Droits de l'Homme) se trouvent ainsi constitutionnalisées.

 

   En clair, les droits fondamentaux établis par la Charte ne s'appliquent pas en cas d'insurrection ou d'émeute. Mai 1968, une grève générale, une occupation d'usine ou une manifestation peuvent être assimilés à une insurrection ou une émeute, et peuvent donc servir de prétexte à l'annulation des droits civiques.

   La Charte ne s'applique pas non plus en temps de guerre ou en cas de "danger imminent de guerre", ce qui est une définition très subjective et qui ouvre la porte à tous les abus. Demain, un Bush européen (Sarkozy ?) pourrait utiliser comme prétexte une "guerre contre le terrorisme", ou un "danger de guerre" pour ne pas appliquer la Charte.

 

 

 

Réquisition de citoyens pour des travaux forcés

On ne peut qu'approuver la Constitution quand on lit:

article II-65

1. Nul ne peut être tenu en esclavage ni en servitude.

2. Nul ne peut être astreint à accomplir un travail forcé ou obligatoire.

 

Trop beau pour être vrai... Et effectivement, les "explications" en annexe précisent que le travail forcé n'est pas interdit si il s'applique à des prisonniers. Les travaux forcés, tels qu'ils se pratiquaient il y a un siècle et tels qu'ils se pratiquent à nouveau aux Etats-Unis, sont donc possibles en Europe avec cette Constitution. N'importe quel citoyen est concerné depuis que les récentes lois répressives permettent d'emprisonner une personne sans jugement et pour une durée indéterminée si elle est soupçonnée de "terrorisme". Il est donc devenu très facile de passer du statut de "citoyen libre" à celui de prisonnier.

   Les annexes de la Constitution vont même jusqu'à autoriser la réquisition de citoyens pour un travail forcé dans le cas "de crises ou de calamités qui menacent la vie ou le bien-être de la communauté". Encore une fois, ces conditions sont suffisamment vagues pour être interprétées de façon très extensives par des dirigeants du type Sarkozy ou Bush.

 

article 5 de l'annexe 12

"Au paragraphe 2, les notions de «travail forcé ou obligatoire» doivent être comprises en tenant compte des définitions «négatives» contenues à l'article 4, paragraphe 3, de la CEDH:

N'est pas considéré comme "travail forcé ou obligatoire" au sens du présent article:

a) tout travail requis normalement d'une personne soumise à la détention dans les conditions prévues par l'article 5 de la présente Convention, ou durant sa mise en liberté conditionnelle;

b) tout service de caractère militaire ou, dans le cas d'objecteurs de conscience dans les pays où l'objection de conscience est reconnue comme légitime, à un autre service à la place du service militaire obligatoire

c) tout service requis dans le cas de crises ou de calamités qui menacent la vie ou le bien-être de la communauté;

d) tout travail ou service formant partie des obligations civiques normales"

 

 Emprisonnement arbitraire

Les "explications" relatives à l'article II-66 (qui affirme que "toute personne a droit à la liberté et à la sûreté") justifient d'ailleurs implicitement la détention sur simple soupçon, ou encore pour des personnes "contagieuses", des "aliénés", des "toxicomanes" ou des "vagabonds":

 

paragraphe 1 de l'article 6 de l'annexe 12

"Toute personne a droit à la liberté et à la sûreté. Nul ne peut être privé de sa liberté, sauf dans les cas suivants et selon les voies légales:

(...)

c) s'il a été arrêté et détenu en vue d'être conduit devant l'autorité judiciaire compétente, lorsqu'il y a des raisons plausibles de soupçonner qu'il a commis une infraction ou qu'il y a des motifs raisonnables de croire à la nécessité de l'empêcher de commettre une infraction.

(...)

e) s'il s'agit de la détention régulière d'une personne susceptible de propager une maladie contagieuse, d'un aliéné, d'un alcoolique, d'un toxicomane ou d'un vagabond;"

 

Le paragraphe 3 des mêmes "explications" semble néanmoins fixer des limites à la détention arbitraire, mais encore une fois, ces limites sont formulés dans des termes suffisamment imprécis pour laisser toute liberté d'interprétation à un futur régime autoritaire ou policier:

paragraphe 3 de l'article 5 de l'annexe 12

"Toute personne arrêtée ou détenue, dans les conditions prévues au paragraphe 1.c du présent article, doit être aussitôt traduite devant un juge ou un autre magistrat habilité par la loi à exercer des fonctions judiciaires [c'est à dire par un policier, ou un "juge de proximité" sans aucune formation judiciaire] et a le droit d'être jugée dans un délai raisonnable" [quel délai précisément?...]

 

paragraphe 4 de l'article 5 de l'annexe 12

"Toute personne privée de sa liberté par arrestation ou détention a le droit d'introduire un recours devant un tribunal, afin qu'il statue à bref délai [quel délai précisément?] sur la légalité de sa détention et ordonne sa libération si la détention est illégale." [mais compte-tenu des dispositions précédentes, peu de détentions pourront être déclarées illégales, puisque justifiées par la Constitution]

 

 

Surveillance électronique de la vie privée

On continue dans le même esprit avec la protection de la vie privée.

Ainsi, la Constitution semble protéger les citoyens de l'espionnage de leur ligne téléphonique et de leurs courriers électroniques, ou la pose de micros et de caméras au domicile (comme le prévoit la loi Perben en France). Au passage, on s'en étonne un peu car depuis le 11 septembre 2001, la plupart des états européens ont adopté des lois qui officialisent la "big-brotherisation" générale. Si l'on en croit la Constitution, la surveillance électronique des citoyens est interdite, bien qu'il n'y ait aucun recours prévu pour des personnes qui seraient victimes de ces pratiques:

 

article II-67, 1:

"Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de ses communications."

 

Mais les explications en annexe annulent totalement ce droit dans la pratique. Il suffit pour cela que l'intrusion dans la vie privée soient encadrées par la loi, et qu'elles soit nécessaires "à la sécurité nationale" (Bush a montré que ce concept peut être utilisé pour justifier n'importe quoi), "à la sûreté publique", "à la défense de l'ordre" (deux notions très subjectives), "à la prévention des infractions pénales" (de mieux en mieux! cette disposition rend possible des arrestations préventives, comme dans "Minority Report", selon le même principe que les "guerres préventives" de Bush), ou tout simplement lorsque l'espionnage de la vie privée est nécessaire "au bien-être économique du pays" ou encore "à la protection de la morale":

 

paragraphe 2 de l'article 7 de l'annexe 12

"Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui."

 

L'article suivant est assorti d'explications absolument incompréhensibles du fait de la multitude de renvois et références à d'autres documents ou traités.

 

article II-68:

1. Toute personne a droit à la protection des données à caractère personnel la concernant.

2. Ces données doivent être traitées loyalement, à des fins déterminées et sur la base du consentement de la personne concernée ou en vertu d'un autre fondement légitime prévu par la loi.

Toute personne a le droit d'accéder aux données collectées la concernant et d'en obtenir la rectification.

 

explication à propos de l'article II-68, article 7 de l'annexe 12

"Cet article a été fondé sur l'article 286 du traité instituant la Communauté européenne et sur la directive 95/46/CE du Parlement européen et du Conseil du 24 octobre 1995 relative à la protection des personnes physiques à l'égard du traitement des données à caractère personnel et à la libre circulation de ces données (JO L 281 du 23.11.1995), ainsi que sur l'article 8 de la CEDH et sur la Convention du Conseil de l'Europe pour la protection des personnes à l'égard du traitement automatisé des données à caractère personnel du 28 janvier 1981, ratifiée par tous les États membres. L'article 286 du traité CE est désormais remplacé par l'article I-51 de la Constitution. Il convient de noter également le règlement (CE) n° 45/2001 du Parlement européen et du Conseil du 18 décembre 2000 relatif à la protection des personnes physiques à l'égard du traitement des données à caractère personnel par les institutions et organes communautaires et à la libre circulation de ces données (JO L 8 du 12.1.2001). La directive et le règlement précités contiennent des conditions et limitations applicables à l'exercice du droit à la protection des données à caractère personnel." [comprenne qui pourra...!]

 

 

Liberté d'expression et d'information

L'article II-71 garantit la liberté d'expression et d'information, mais ce droit est limité de la même façon que les précédents articles par les "explications" en annexe. Les restrictions à la liberté d'expression sont autorisées lorsqu'elles sont "prévues par la loi" et qu'elles constituent des mesures nécessaires "à la sécurité nationale, la sûreté publique, la défense de l'ordre et la prévention du crime", à la "protection de la santé ou de la morale".

 

article II-71:

1. Toute personne a droit à la liberté d'expression. Ce droit comprend la liberté d'opinion et la liberté de recevoir ou de communiquer des informations ou des idées sans qu'il puisse y avoir ingérence d'autorités publiques et sans considération de frontières.

explication à propos de l'article II-71, article 11 de l'annexe 12

"L'exercice de ces libertés comportant des devoirs et des responsabilités peut être soumis à certaines formalités, conditions, restrictions ou sanctions prévues par la loi, qui constituent des mesures nécessaires, dans une société démocratique, à la sécurité nationale, à l'intégrité territoriale ou à la sûreté publique, à la défense de l'ordre et à la prévention du crime, à la protection de la santé ou de la morale, à la protection de la réputation ou des droits d'autrui, pour empêcher la divulgation d'informations confidentielles ou pour garantir l'autorité et l'impartialité du pouvoir judiciaire."

 

 

Clonage humain

On retrouve le même procédé avec le clônage humain qui semble être interdit par l'article II-63:

article II-3

1. Toute personne a droit à son intégrité physique et mentale.

2. Dans le cadre de la médecine et de la biologie, doivent notamment être respectés (...) l'interdiction du clonage reproductif des êtres humains.

paragraphe 2 de l'article 3 de l'annexe 12

"Les principes contenus dans l'article 3 de la Charte figurent déjà dans la convention sur les droits de l'homme et la biomédecine, adoptée dans le cadre du Conseil de l'Europe (STE 164 et protocole additionnel STE 168) [encore des renvois à des documents extérieurs pour brouiller les pistes!] . La présente Charte ne vise pas à déroger à ces dispositions et ne prohibe en conséquence que le seul clonage reproductif. Elle n'autorise ni ne prohibe les autres formes de clonage [toutes les autres utilisations possibles du clonage humain sont donc possibles]. Elle n'empêche donc aucunement le législateur d'interdire les autres formes de clonage." [elle n'empêche donc pas non plus le législateur de les autoriser ! ].

 

 

CONSTITUTION EUROPÉENNE DÉCODÉE:ZOOM SUR UNE CONSTITUTION PIEGEE 

 

Le but de la Constitution européenne est de fixer pour l'éternité les conditions nécéssaires à un nouvel esclavage et à la maximisation du profit des entreprises, quels que soient les futurs gouvernements et parlements élus par les citoyens.

 En incluant des domaines qui doivent rester du domaine de la loi, la Constitution enferme l'Europe dans une camisole de force ultra-libérale et vide la démocratie de son contenu. La Constitution consacre aussi l'absence de pouvoir du Parlement, seule institution européenne à être élue démocratiquement. Zoom sur quelques uns des articles piégés de la Constitution européenne...

 

Démocratie

Suprématie de la constitution européenne sur les constitutions et lois nationales

article I-6:

La Constitution et le droit adopté par les institutions de l'Union, dans l'exercice des compétences qui sont attribuées à celle-ci, priment le droit des États membres.

 

Un Parlement au pouvoir extraordinairement limité

Le parlement ne peut pas prendre l'initiative d'une loi, contrairement à l'usage dans toutes les démocraties:

article I-26, 2

Un acte législatif de l'Union ne peut être adopté que sur proposition de la Commission, sauf dans les cas où la Constitution en dispose autrement.

 Le parlement peut demander à la Commission de bien vouloir élaborer une loi, mais la Commission n'est obligée à rien:

article III-332

Le parlement européen peut, à la majorité des membres qui le compose, demander à la Commission de soumettre toute proposition appropriée sur les questions qui lui paraissent nécessiter l'élaboration d'un acte de l'Union pour la mise en oeuvre de la Constitution. Si la Commission ne soumet pas de propositions, elle en communique les raisons au Parlement européen.

 

 

Libertés et droits civiques

Une Charte des droits fondamentaux vidée de son contenu par les annexes

La Constitution européenne contient des "annexes" ignorées du public et dont les partisans du "oui" ne parlent jamais. Ces annexes vident de son contenu la "Charte des droits fondamentaux" incluse dans la constitution et présentée par les partisans du "oui" comme un grand progrès.

 

 

Le gadget du "droit de pétition"

article I-47

4. Des citoyens de l'Union, au nombre d'un million au moins, ressortissants d'un nombre significatif d'États membres [combien?...], peuvent prendre l'initiative d'inviter la Commission, dans le cadre de ses attributions, à soumettre une proposition appropriée sur des questions pour lesquelles ces citoyens considèrent qu'un acte juridique de l'Union est nécessaire aux fins de l'application de la Constitution.

Le droit de pétition proposé par la Constitution est imprécis, et il se limite au pouvoir "d'inviter" la Commission à prendre une mesure. Les citoyens proposent, mais de toute façon, c'est la Commission qui dispose. De plus, les pétitions doivent se limiter à avoir pour objet une meilleure application de la Constitution. Les options ultra-libérales fixées à jamais par la Constitution (et notamment la "concurrence libre et non-faussée") ainsi que leurs conséquences économiques et sociales ne pourront donc pas faire l'objet de pétitions.

 

 

Economie

La "concurrence libre et non-faussée" et la "compétitivité" comme valeurs suprêmes

La mondialisation et l'absence de protections douanières sont "constitutionnalisées"

La "concurrence libre et non-faussée" et la "compétitivité" sont définis comme "objectifs de l'Union" dès l'article 3:

article I-3

2. L'Union offre à ses citoyens un espace de liberté, de sécurité et de justice sans frontières intérieures, et un marché intérieur où la concurrence est libre et non faussée.

3. L'Union oeuvre pour le développement durable de l'Europe fondé sur une croissance économique équilibrée et sur la stabilité des prix, une économie sociale de marché hautement compétitive, qui tend au plein emploi et au progrès social, et un niveau élevé de protection et d'amélioration de la qualité de l'environnement. Elle promeut le progrès scientifique et technique."

Le paragraphe 3 mélange allègrement des objectifs complètement contradictoires. Une économie "hautement compétitive" (c'est à dire qui impose le moins possible de contraintes aux entreprises et qui offre la fiscalité et les salaires les plus bas possibles) est peu compatible avec le "développement durable", la "croissance équilibrée", le "progrès social", ou le "niveau élevé de protection de l'environnement".

  Mais ces contradictions sont départagées par la suite de la Constitution. Les objectifs sociaux ou environnementaux ne sont en effet jamais assorti de règles ou d'obligations précises, alors que la "compétitivité" et la "libre concurrence" sont confirmés et précisés par un grand nombre d'articles.

 

article III-209

L'Union et les Etats membres agissent en tenant compte de la diversité des pratiques nationales, en particulier dans le domaine des relations conventionnelles, ainsi que de la nécessité de maintenir la compétitivité de l'économie de l'Union.

 

article III-279

1. L'Union et les États membres veillent à ce que les conditions nécessaires à la compétitivité de l'industrie de l'Union soient assurées.

A cette fin, conformément à un système de marchés ouverts et concurrentiels, leur action vise à:

a) accélérer l'adaptation de l'industrie aux changements structurels;

b) encourager un environnement favorable à l'initiative et au développement des entreprises de l'ensemble de l'Union; (...)

 

article III-178

Les États membres conduisent leurs politiques économiques pour contribuer à la réalisation des objectifs de l'Union, tels que définis à l'article I-3, et dans le contexte des grandes orientations visées à l'article III-179, paragraphe 2. Les États membres et l'Union agissent dans le respect du principe d'une économie de marché ouverte où la concurrence est libre, favorisant une allocation efficace des ressources, conformément aux principes prévus à l'article III-177.

 

article III-177

Aux fins de l'article I-3, l'action des États membres et de l'Union comporte, dans les conditions prévues par la Constitution, l'instauration d'une politique économique fondée sur l'étroite coordination des politiques économiques des États membres, le marché intérieur et la définition d'objectifs communs, et conduite conformément au respect du principe d'une économie de marché ouverte où la concurrence est libre.

 

  Une "économie de marché ouverte" désigne l'absence de taxes douanières et de restrictions aux importations.

  L'absence de protections douanières est le fondement de la "mondialisation". C'est ce qui permet de mettre en concurrence directe les salariés de tous les pays, afin de faire baisser les salaires et de réduire les droits sociaux. L'absence de protections douanières se trouve ainsi "constitutionnalisée", sans possibilité de changement quels que soient les choix électoraux futurs.

 

Et pour que ce soit bien clair, d'autres articles enfoncent le clou à ce sujet:

article III-314

Par l'établissement d'une union douanière conformément à l'article III-151, l'Union contribue, dans l'intérêt commun, au développement harmonieux du commerce mondial, à la suppression progressive des restrictions aux échanges internationaux et aux investissements étrangers directs, ainsi qu'à la réduction des barrières douanières et autres.

 

article III-157, 2

Le Parlement européen et le Conseil s'efforcent de réaliser l'objectif de libre circulation des capitaux entre États membres et pays tiers, dans la plus large mesure possible et sans préjudice d'autres dispositions de la Constitution.

 

article III-156

Dans le cadre de la présente section, les restrictions tant aux mouvements de capitaux qu'aux paiements entre les États membres et entre les États membres et les pays tiers sont interdites..

 

Comme on le voit, la Constitution est beaucoup plus précise et coercitive quand il s'agit du libéralisme économique que pour les droits sociaux, les droits civiques, ou l'environnement.

De plus, cet article III-156 enlève à jamais toute possibilité aux états européens de contrôler les flux de capitaux, ce qui rend au passage toute taxe Tobin impossible.

Aucune constitution démocratique dans le monde ne contient ce genre de dispositions qui doivent relever de la loi (modifiable par les réprésentants élus du Peuple) et non de la Constitution.

 

 

Une harmonisation sociale confiée au bon-vouloir du "marché"

article III-209

L'Union et les États membres agissent en tenant compte (...) de la nécessité de maintenir la compétitivité de l'économie de l'Union. Ils estiment qu'une telle évolution résultera tant du fonctionnement du marché intérieur, qui favorisera l'harmonisation des systèmes sociaux, que des procédures prévues par la Constitution et du rapprochement des dispositions législatives,réglementaires et administratives des États membres. (...)

 

Dans un autre article, un paragraphe promet une convergence des législations des états, mais le paragraphe suivant exclut la convergence fiscale et sociale du champ d'application de l'article, alors que c'est précisément le seul moyen d'empêcher les délocalisations et le dumping fiscal et social au sein de l'Europe:

 

article III-172

1. Sauf si la Constitution en dispose autrement, le présent article s'applique pour la réalisation des objectifs visés à l'article III-130. La loi ou loi-cadre européenne établit les mesures relatives au rapprochement des dispositions législatives, réglementaires et administratives des États membres qui ont pour objet l'établissement ou le fonctionnement du marché intérieur. Elle est adoptée après consultation du Comité économique et social.

2. Le paragraphe 1 ne s'applique pas aux dispositions fiscales, aux dispositions relatives à la libre circulation des personnes et à celles relatives aux droits et intérêts des travailleurs salariés.

 

 

"Flexibilité" des salariés

Pour des entreprises toujours plus "compétitives", il faut des salariés toujours plus "flexibles":

article III-203

L'Union et les États membres s'attachent, conformément à la présente section, à élaborer une stratégie coordonnée pour l'emploi et en particulier à promouvoir une main-d'oeuvre qualifiée, formée et susceptible de s'adapter ainsi que des marchés du travail aptes à réagir rapidement à l'évolution de l'économie, en vue d'atteindre les objectifs visés à l'article I-3 (...)

 

 

Services publics

Les services publics ne sont pas explicitement reconnus par la Constitution qui ne parle que de "services d'intérêt économique général". Ce terme assez vague permet en fait d'englober les services fournis par des entreprises privées.

Par contre, les documents de la Commission européenne (en particulier le Livre Blanc de 2004 adopté par le Parlement) sont plus explicites: les pouvoirs publics ne peuvent créer des services d'intérêt économique général (SIEG) que si deux conditions sont remplies:

a) que le marché (l'initiative privée) ne fournisse pas le service.

b) que ce SIEG respecte les règles de la concurrence.

 

La Constitution est aussi plus explicite quelques articles plus loin, en imposant la "libéralisation" des services publics, et en encourageant les Etats à aller encore plus loin que la réglementation européenne dans ce domaine:

article III-148

Les Etats membres s'efforcent de procéder à la libéralisation des services au delà de la mesure qui est obligatoire en vertu de la loi cadre européenne adoptée en application de l'article III-147.

 

article III-147, 2

La loi-cadre européenne visée au paragraphe 1 porte, en général, par priorité sur les services qui interviennent d'une façon directe dans les coûts de production ou dont la libéralisation contribue à faciliter les échanges des marchandises.

 

Menace sur les subventions à la culture

La Constitution fait mine d'autoriser les subventions à la culture, pour en limiter aussitôt le champ d'application à ce qui ne contredit pas la sacro-sainte "concurrence libre et non-faussée". Or n'importe quelle subvention à un secteur culturel où opèrent des entreprises (comme le cinéma, la télévision, ou la production musicale) a pour effet de fausser la concurrence entre les bénéficiaires des subventions et les autres.

article III-167, 3

Peuvent être considérés comme compatibles avec le marché intérieur: (...)

d) Les aides destinées à promouvoir la culture et la conservation du patrimoine, quand elles n'altèrent pas les conditions des échanges et de la concurrence dans l'Union dans une mesure contraire à l'intérêt commun.

 

 Environnement

Encouragement de l'agriculture industrielle

Les "objectifs de l'Union" (voir plus haut) incluent "un niveau élevé de protection de l'environnement. Mais la Constitution fixe définitivement le choix d'une agriculture industrielle où les quantités produites sont davantage prises en compte que la qualité des produits, et le respect de l'environnement ou de la santé des consommateurs.

article III-227

1. La politique agricole commune a pour but :

a) d'accroître la productivité de l'agriculture en développant le progrès technique et en assurant le développement rationnel de la production agricole ainsi qu'un emploi optimum des facteurs de production, notamment de la main d'oeuvre.

 

 

Politique extérieure et militaire

Perte du contrôle du siège de la France au Conseil de sécurité de l'ONU

Avec la Constitution européenne, la France ne pourrait plus utiliser librement le siège dont elle dispose au Conseil de sécurité de l'ONU. Elle conserverait son siège au Conseil, mais elle serait dans l'obligation d'y défendre la position de l'Union Européenne.

article III-303, 2

Les États membres qui sont membres du Conseil de sécurité défendront, dans l'exercice de leurs fonctions, les positions et les intérêts de l'Union (...)

Lorsque l'Union a défini une position sur un thème à l'ordre du jour du Conseil de sécurité des Nations unies, les États membres qui y siègent demandent que le ministre des Affaires étrangères de l'Union soit invité à présenter la position de l'Union.

 

 

Une politique de défense prisonnière à jamais du cadre de l'OTAN

article I-41, 2

La politique de l'Union (...) respecte les obligations découlant du traité de l'Atlantique Nord pour certains Etats membres qui considèrent que leur défense commune est réalisée dans le cadre de l'OTAN et elle est compatible avec la politique commune de sécurité et de défense arrêtée dans ce cadre.

article I-41, 7

Les engagements et la coopération dans ce domaine demeurent conformes aux engagements souscrits au sein de l'OTAN, qui reste, pour les états qui en sont membres, le fondement de leur défense collective et l'instance de sa mise en oeuvre.

Obligation constitutionnelle d'augmenter les dépenses militaires

article I-41, 3

Les états membres s'engagent à améliorer progressivement leurs capacités militaires.

 

 



28/04/2012

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